Disparu il y a plus de 120 ans, un chef-d’œuvre de Rodin redécouvert par hasard dans une maison près de Vierzon

Disparu il y a plus de 120 ans, un chef-d’œuvre de Rodin redécouvert par hasard dans une maison près de Vierzon
Auguste Rodin, Le Désespoir (détail), vers 1892-1893, marbre ©Rouillac

Le 8 juin prochain, la maison de ventes Rouillac mettra aux enchères Le Désespoir de Rodin. Disparu en 1906, ce précieux marbre a été redécouvert par hasard dans une maison entre la Sologne et le Berry.

Pendant des années, il trônait discrètement sur un piano dans une propriété près de Vierzon, entre la Sologne et le Berry (Centre-Val de Loire). Le 8 juin prochain, dans les jardins du château de Villandry (Indre-et-Loire), Rouillac vendra Le Désespoir (vers 1892-1893) d’Auguste Rodin (1840-1917). Estimé entre 500 000 et 700 000 euros, le marbre avait disparu depuis plus de 120 ans. « Il s’agit probablement du marbre le plus recherché mis en vente depuis des années », a déclaré Jérôme Le Blay, directeur du Comité Rodin, dans un message transmis à l’AFP.

Un marbre rarissime

Comment l’œuvre a-t-elle pu être oubliée toutes ces années ? D’après Aymeric Rouillac, les propriétaires pensaient qu’il s’agissait d’un faux. Pour comprendre l’histoire de l’œuvre et vérifier son authenticité, le commissaire-priseur a réalisé une enquête généalogique. Lors de ses recherches, il a découvert que la famille possédait un ancêtre commissaire-priseur à Paris au début du XXe siècle, Paul Louis Chevalier, qui a certainement acquis la sculpture, avant de la transmettre de génération en génération dans la famille.

Auguste Rodin, Le Désespoir, vers 1892-1893, marbre ©Rouillac

Auguste Rodin, Le Désespoir, vers 1892-1893, marbre ©Rouillac

Le Désespoir a ensuite été présenté au comité Rodin, créé en 2004 par Jérôme Le Blay, spécialiste de Rodin, et François Lorenceau, de la galerie Brame & Lorenceau qui prépare le catalogue critique de l’œuvre sculpté de l’artiste. Un mois et demi plus tard, le comité a confirmé qu’il s’agissait d’un marbre passé aux enchères lors de la vente de la collection d’Alexandre Blanc en 1906 à Paris et qu’il avait disparu de la circulation depuis. « C’est un marbre rarissime, confie Aymeric Rouillac à l’AFP. Sur près de 6 000 résultats de vente aux enchères concernant Rodin, dans les bases de données professionnelles du monde entier, on compte moins de 80 marbres ».

Une des ombres inspirées de L’Enfer de Dante

Quelle est l’origine de ce chef-d’œuvre de Rodin ? Le sculpteur a modelé cette première figure du désespoir vers 1890 pour l’intégrer à son vaste répertoire de damnés de la célèbre Porte de l’Enfer, commandée en 1880 par l’État. Ce projet destiné à orner la façade d’un futur musée des arts décoratifs (qui n’a jamais vu le jour) est devenu au fil du temps l’œuvre centrale de la carrière de l’artiste. Situé dans le panneau supérieur gauche de la porte, Le Désespoir représente un corps féminin assis sur une pierre dans une pose acrobatique qui rappelle une posture de danseuse. La figure a une jambe repliée et l’autre maintenue tendue par ses mains entrelacées autour de la plante du pied. Le visage de la jeune femme est dissimulé, peut-être pour cacher sa tristesse.

Auguste Rodin, Le Désespoir (détail), vers 1892-1893, marbre ©Rouillac

Auguste Rodin, Le Désespoir (détail), vers 1892-1893, marbre ©Rouillac

Un marbre inédit dans les musées en France

Considérée par l’artiste comme une des ombres appartenant à différents cercles de L’Enfer de Dante, l’œuvre a renouvelé la représentation allégorique de ce sentiment que l’on retrouve habituellement dans la sculpture funéraire. « Le succès que rencontra l’œuvre incita l’artiste à travailler à des variantes qu’il présenta à diverses expositions et qui conserva son nom en dépit de son iconographie très peu conventionnelle », précise le musée Rodin sur son site. En 1897, il présente ainsi deux versions de la sculpture à Vienne sous le titre Ombre se tenant le pied. Aujourd’hui, on connaît plusieurs variantes de ce modèle, en plâtre, en bronze et en marbre. La collection Bürhle de Zurich et le Museum of Art de Philadelphie sont les deux seules institutions à posséder un exemplaire en marbre du Désespoir​​​. En France, aucun musée ne conserve une version en marbre de l’œuvre. L’occasion devrait faire le larron.

Il existe différentes versions de la sculpture. Ci-dessus celle du Philadelphia Museum of Art. Auguste Rodin, Le Désespoir, 1906, marbre, Philadelphia Museum of Art

Il existe différentes versions de la sculpture. Ci-dessus celle du Museum of Art de Philadelphie. Auguste Rodin, Le Désespoir, 1906, marbre, Philadelphia Museum of Art


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