Exposition à Chartres : le musée des beaux-arts invite à se perdre dans les labyrinthes
À l’occasion du millénaire de la cathédrale de Chartres, le musée des beaux-arts de la ville s’est emparé du thème du labyrinthe. Référence à celui qui attire les fidèles et les curieux dans l’édifice depuis le XIIIe siècle, cette exposition jusqu’au 3 août, ludique et maligne, tisse le fil, de l’Antiquité au XXIe siècle.
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Les trois temps du labyrinthe

Gustave Moreau, Les Athéniens livrés au Minotaure dans le labyrinthe de Crète, 1855, huile sur toile (détail), 200 x 102,5 cm. Bourg-en-Bresse, Monastère royal de Brou. Inv. 856.1. © Hugo Maertens.
Sous le commissariat de Grégoire Hallé, directeur du musée des Beaux-Arts de Chartres, et de Mathias Dupuis, Directeur de l’archéologie pour le service territorial de Chartres métropole, l’exposition « Labyrinthes » s’intéresse à cette thématique récurrente dans l’histoire de l’humanité. On en trouve des traces depuis la préhistoire. Récit mythologique et fondateur de l’antiquité grecque et symbole chrétien de la lutte du bien contre le mal, le labyrinthe trouve encore écho dans l’imaginaire contemporain, de la BD aux jeux vidéo.
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Une commande spéciale pour la chapelle
Elliott Causse, circuit fermé, 2025 musée des Beaux-Arts de Chartres. Photo Lucie Agache. ©Elliott Causse.
L’exposition débute par la chapelle pour laquelle le musée a commandé à l’artiste Elliott Causse un labyrinthe géant. Celui-ci se déploie sur le sol et une partie des murs. Il est une représentation des flux contemporains urbains, qui, en se simplifiant visuellement, crée une carte à la limite de l’abstraction géométrique. Ce labyrinthe, sans culs-de-sac ni chausse-trappe, ne possède qu’une entrée et qu’une sortie. Impossible de s’y perdre !
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La Crète et l’Égypte
Table d’offrandes en labyrinthe, v. 332-395 av. J.-C., calcaire sculpté, 42 × 37,3 × 7,8 cm. Paris, musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes.
La légende crétoise de Minos et de son labyrinthe s’étend jusque dans l’Égypte ptolémaïque, le terme labyrinthos étant même utilisé pour désigner le temple d’Amenhemat III (1843 -1798 av. J.-C.) dans le Fayoum. Cette tablette d’offrande, conservée au musée du Louvre, en reprend elle aussi les codes.
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Le Minotaure
François-Xavier Lalanne, le Minotaure, 1970, tôle de fer, 202 x 62 cm. Agen, musée des Beaux-Arts, 77.11. Photo Lucie Agache. ©Adahgp, Paris 2025.
La scénographie de l’exposition est pleine d’ingéniosité, jouant sur des rideaux et des virages cachés derrière des murs pour créer un effet de surprise. Le visiteur est par exemple cueilli par ce Minotaure de plus de 2 mètres en tôle de fer signés François-Xavier Lalanne. Exposé frontalement à l’entrée de la salle, sans trop de recul, il fait forte impression.
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Du labyrinthe physique au labyrinthe spirituel
Histoire ancienne jusqu’à César, minotaure au centre d’une architecture circulaire représentant un labyrinthe, Royaume latin de Jérusalem (Acre ?), troisième quart du XIIIe siècle, parchemin, 37 x 23,5 cm. Dijon, Bibliothèque municipale, 0562 (0323), fol. 115r. © Bibliothèque municipale de Dijon.
Les chrétiens s’emparent à leur tour du thème du labyrinthe qui fait son apparition dans les manuscrits médiévaux. Le Minotaure y est souvent représenté comme un centaure au centre du labyrinthe stylisé, métaphore du passage de la Jérusalem terrestre à la Jérusalem céleste. La bête est la représentation du péché que Thésée, comme préfiguration messianique, parvient à vaincre pour apporter le salut au monde.
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Labyrinthes de cathédrale
Pierre centrale de la cathédrale d’Amiens, vers 1228, calcaire carbonifère autrefois incrusté de pierre blanche et lames de cuivre, Amiens, musée de Picardie. Photo : Lucie Agache
À la dimension spirituelle messianique s’ajoute celle de la prouesse architecturale, les bâtisseurs de cathédrale se comparant au génial Dédale. Une trentaine de labyrinthes sont connus dans des églises, mais ce sont les cathédrales du nord de la France – Amiens, Reims, Sens, Auxerre, Saint-Quentin, Bayeux et Chartres – qui voient ce motif prendre des dimensions spectaculaires. Seuls trois édifices conservent encore leur labyrinthe d’origine. Celui d’Amiens, dont la pierre centrale figure dans l’exposition, a été déposé en 1827. Cette pierre a été sauvée par la Société des Antiquaires de Picardie.
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Imaginaire, jeux et Pop culture
Jean-Baptiste Letourmy, Jeu de l’oie, 1792-1804, estampe, 38,4 x 45,9 cm. Épinal, musée de l’Image, D 996.1.11884 B. © musée de l’Image – Ville d’Épinal / cliché S. Daongam
La dernière section de l’exposition fait la part belle à l’imaginaire. D’abord avec la ville labyrinthe, qui annihile et déshumanise. Des prisons imaginaires de Piranèse aux Cités obscures de François Schuiten et Benoît Peeters, le labyrinthe se déploie à la verticale et retrouve son statut effrayant. Mais le labyrinthe devient aussi objet de jeu de plateau (Jeu de l’oie, Labyrinthes) comme de jeux vidéo (Pac Man, Assassin’s Creed). Lui aussi pétri de symboliques (quête de la connaissance, chemin initiatique...), le labyrinthe ludique permet de conjurer la peur.
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Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres

Vue d’ensemble plongeante du labyrinthe de la cathédrale Notre-Dame de Chartres, prise du grand comble. © Getty Images / Sylvain Sonnet
Incontournable avant ou après l’exposition, le labyrinthe de la cathédrale de Chartres est à deux pas du musée, situé dans l’ancien palais épiscopal. Mesurant 12,88 m de diamètre et contemporain de la création du pavement de l’édifice (1200-1220), le labyrinthe sépare les trois premières travées de la nef. Il vaut mieux se rendre à la cathédrale le vendredi matin. Débarrassé de ses chaises, le labyrinthe se dévoile dans toute sa beauté et sa complexité. Relié depuis l’époque médiévale à la liturgie pascale, il indique à tout homme le chemin symbolique vers une autre vie.
Musée des Beaux-Arts de Chartres, 29, cloître Notre-Dame, 28000 Chartres, du 5 avril au 3 août.
Musée des Beaux-Arts de Chartres, 29, cloître Notre-Dame, 28000 Chartres, du 5 avril au 3 août.