De la soie torsadée ? Du sucre coloré ? L’œuvre aux reflets irisés choisie pour l’affiche de Révélations interroge. C’est exactement pour cette raison que les organisateurs de Révélatiosn (du 21 au 25 mai au Grand Palais à Paris) l’ont élue. Cette sculpture de la verrière suédoise Maria Bang Espersen évoque les savantes métamorphoses de la matière. « Nos exposants préparent tous pour l’événement des pièces exceptionnelles. Le salon représente pour eux un énorme enjeu économique : des contacts, des commandes et bien sûr des ventes », explique Stéphane Galerneau, président d’Ateliers d’Art de France et du salon Révélations.
Mettre en valeur les artisans
De quoi motiver 750 postulants à poser leur candidature. Le jury a eu la surprise, selon Stéphane Galerneau, de trouver parmi les dossiers ceux d’artistes contemporains français renommés en quête de nouveaux modes d’expression. Ils n’ont pas été retenus. Ateliers d’Art de France, qui organisent de l’événement, conservent leur mission de mise en valeur des artisans.
La Biennale Révélations 2025 au Grand Palais à Paris. © Photo : Igor Lubinetsky
Les 550 élus pourront rencontrer à Révélations une clientèle de décorateurs, d’architectes et de collectionneurs. Les exposants, dont 68 % de nouveaux participants, viennent de 35 pays. L’Italie est invitée d’honneur ; ses savoir-faire, art napolitain du corail, marqueterie de pierre dure de Florence ou soie de Côme sont présentés au Banquet, au cœur de la nef qui met les pays étrangers à l’honneur, ou au fil des stands, qui s’égrainent cette année jusqu’aux coursives du Grand Palais.
La Biennale Révélations 2025 au Grand Palais à Paris. © Photo : Igor Lubinetsky
1. Atelier Stokowski, une histoire de famille et de verre
Victor Stokowski a 16 ans lorsqu’il découvre l’art du soufflage du verre auprès du duo de verriers Philip Baldwin et Monica Guggisberg. Une passion dévorante pour cet artisanat le mène des années durant à le conquérir, de leur atelier du pays de Galles à celui du designer verrier Jeremy Maxwell Wintrebert à Paris. Victor Stokowski travaille objets ou luminaires avec un visible appétit pour le design. Ses frères Théo et Jimmy le rejoignent en 2021 pour le seconder dans l’atelier qu’il crée en Picardie. En 2023, le trio rafle le prix de la Fondation Banque Populaire, qui permet l’acquisition de machines et outils de haute précision, nécessaires au travail du laiton et du bois, associés de plus en plus aux créations maison.
Atelier Stokowski, lampe Elio, 2024, verre soufflé, laiton brossé, h. 83 cm, ø 57 cm. © Photo : Benjamin Azambre
2. Atelier Tison, le laiton en mouvement
Victor Tison est un fou de métal. Chaudronnier de formation, il a complété ce savoir-faire rare par des années de travail de tôleur formeur, dans un atelier spécialisé dans l’intervention sur les automobiles. Donner forme au métal, souder de manière insoupçonnable… Entre courage physique et perfection du geste, il a développé sa propre technique de création de mobilier contemporain en laiton. Il lui confère la brillance d’un miroir pour donner aux formes mouvantes de ses réalisations l’aspect d’une matière liquide. Les créations atemporelles qui sortent de son atelier, fondé il y a trois ans près de Lyon, lui ont valu d’être couronné lauréat de la Fondation Banque Populaire.

Atelier Tison, Arve et Diva, collection Genèse, laiton poli, 45 x 45 x 45 cm et 99 x 30 x 30 cm ©Clément Pinault.
3. Janaïna Milheiro, éloge de la plume
Elle est née à Rio en 1985 et a grandi en France. Janaïna Milheiro a étudié le design textile à l’ENSCI–Les Ateliers et la création de broderie à l’ESAA Duperré, deux écoles parisiennes. C’est à la fin de ses études qu’elle découvre la plumasserie, cette utilisation ornementale de la plume d’oiseau. Immédiatement, elle la porte vers des traitements inédits inspirés de son expérience du textile, résille, dentelle ou flocage. Son atelier du Marais est un laboratoire. Elle y crée capes, sculptures ou panneaux décoratifs. Ses clients sont décorateurs, grands couturiers ou collectionneurs. Pour eux, elle imagine et réalise, avec son équipe d’une dizaine d’artisans, des pièces uniques ou en toutes petites séries.
Janaïna Milheiro, Phénix pour la Maison Camus, série Poets & Birds. ©Marina Zagortseva
4. Laura Puntillo, chaussures, cuirs et fantaisie
Le travail du cuir est l’une des spécialités qui se développent à Révélations. Laura Puntillo le travaille en associations rares : veau grainé, agneau métallisé rose ou éléphant, en contraste avec de la soie ou des panaches de plumes. La première et unique bottière de France confectionne à la main, dans son atelier parisien du Viaduc des arts, des chaussures sur mesure ou en prêt-à-porter sur commande, avec un goût manifeste pour ce qui brille, du cuir lamé aux cristaux Swarovski. Familière du dessin de projet après ses études de design, elle a appris son métier de 2016 à 2022 auprès du maître d’art Philippe Atienza, qui fut un chef d’atelier de la prestigieuse maison Massaro, fournisseur de la haute couture parisienne.
5. Le Craft ou la puissance de la terre
Créé à Limoges en 1993 sous l’égide du ministère de la Culture, le Centre de recherche des arts du feu et de la terre (Craft) est un laboratoire des différents champs d’application de la céramique. Innovant dans plusieurs domaines, des arts de la table à l’architecture, il a permis depuis ses débuts à une centaine de créateurs du monde entier de réaliser des projets ambitieux. Parmi ces réalisations très diverses, qui utilisent des variations ultra-technologiques de la céramique comme des matériaux traditionnels, on peut citer l’enceinte audio du duo de designers A+A Cooren en 2019 ou le centre de table monumental en biscuit et porcelaine de l’agence AIA Life Designers.
Le Craft et l’agence AIA Life Designers, centre de table, 39 pièces en biscuit et porcelaine de Limoges émaillée. © Photo : Louis Maniquet
6. Jallu Ébénistes : dans l’esprit de l’Art déco
Des lignes sobres et géométriques en bois massif, des placages précieux, des alliances de matériaux nobles, parchemin, corne, marqueteries de paille ou mica… L’ébéniste Yann Jallu assume sa filiation avec le courant Art déco. Il a créé Jallu Ébénistes en 2006 avec son épouse, la peintre Sandra Scolnick-Jallu, qui assure la direction artistique de l’entreprise. Leur approche exigeante a conquis une clientèle internationale. Les réalisations de l’atelier de Bazouges-la-Pérouse, en Ille-et-Vilaine, partent jusqu’aux États-Unis. Yann Jallu s’implique aussi dans la transmission de son savoir-faire, en accueillant de jeunes ébénistes prometteurs qui préparent les Worldskills, « les Jeux olympiques des métiers », comme Paul Dejeux, médaille d’argent en 2024.
Jallu Ébénistes, Sparking Cabinet, marqueterie de paille © Photo : Claire Israël
7. Diane Cornu, horticultrice papier
Elle a grandi au plus près de la nature, dans le sud de la France. Quand elle intègre en 2010 l’ESACM, l’École supérieure d’art de Clermont Métropole, son premier champ d’expérimentation est le Land Art, courant artistique intégré à la nature et au paysage. Mais Diane Cornu s’oriente vite vers le papier avec une ambition : le transformer en fleurs. Dans son atelier de Haute-Garonne, elle crée des végétaux plus délicats que nature, dans une palette d’une trentaine de couleurs. Elle se désigne comme « horticultrice papier », et parvient à réaliser de féeriques corolles de 80 cm de large. Pour sa technique unique, elle s’inspire des fleurs en soie de la haute couture, avec un papier réalisé au Népal à partir d’un arbuste local.
Diane Cornu, Helianthus hybrides, 2023, papier, carton, matière végétale, 90 x 100 x 27 cm. © Photo : Céline Zed
8. Alix Dumas, joaillière de la lumière
Littérature, histoire de l’art, affaires internationales… Les études d’Alix Dumas révèlent sa curiosité. Mais c’est le bijou que choisit cette bricoleuse dans l’âme. Pendant quatre ans elle se forme chez le joaillier de Mazamet Laurent Bouissière, avant de créer en 2020 Maison Alix Dumas, à Auray dans le Morbihan. Sa renommée grandit en même temps que son atelier, qu’elle développe avec l’aide de la Fondation Rémy Cointreau. Fait rare, la joaillière maîtrise tous les stades de création, du dessin à l’œuvre. Son style est reconnaissable par son art de travailler le métal précieux sous tous les angles, pour révéler au mieux la beauté des pierres. Elle trouve l’inspiration autour de chez elle, des magnolias en fleurs aux vagues de l’Atlantique.
Maison Alix Dumas, broche Magnolia blossom, 2023, diamants, spinelles, or, titane, argent, 10 x 12 cm. © Maison Alix Dumas
9. Roxane Filser : lin, sculpture et botanique
Dans son atelier de Mundolsheim, en Alsace, Roxane Filser valorise un lin tissé dans une manufacture des Vosges, région où elle a passé son enfance et dont la nature puissante irrigue ses créations. Elle sait obtenir toute une palette de couleurs à partir d’écorces, racines, feuilles, baies, champignons ou lichens. Elle allie ce savoir-faire tinctorial à la technique ancestrale japonaise du shibori, art de jouer des nuances de couleurs grâce à des nœuds, des coutures ou des ligatures du tissu pratiqués avant la plongée dans le bain de teinture, qui laisse toujours poétiquement part à l’aléatoire. Roxane Filser utilise aussi ce lin teinté, plissé et cousu, dans de spectaculaires sculptures textiles.
Roxane Filser, coll. Plexus Solaire, 2023, origami textile en voile de lin et teinture naturelle. © Atelier La Bîhe
10. La paille graphique de Marika Michelon
Diplômée de l’école Penninghen, Marika Michelon conserve de son ancienne vie de graphiste un sens aigu du dialogue entre formes, couleurs et matières. Ses œuvres de marqueterie de paille frisent l’illusion d’optique avec effets de 3D. Elle a peaufiné son art pendant un an dans l’atelier de marqueterie de paille de la maître d’art parisienne Lison de Caunes, avant de lancer son propre atelier à Lyon en 2005. Elle y crée d’élégants miroirs, boîtes et autres lampes, comme d’ambitieux panneaux décoratifs. Ces grandes compositions graphiques où la paille s’allie au laiton brossé, avec motifs abstraits d’arches ou de cercles, révèlent son admiration pour la peintre Sonia Delaunay.

Marika Michelon et Antoine Dariule, Applique MaDa, marqueterie de paille © Marika Michelon
11. La précieuse nature de Sophie Blanc
Elle se présente comme « doreuse botaniste ». Restauratrice de mobilier ancien et doreuse, Sophie Blanc a développé ces dernières années, dans son atelier de Haute-Garonne, un savoir-faire unique de dorure sur végétaux. Elle présente ce travail délicat à Révélations depuis 2022. Son talent minutieux est né de son expérience d’artisan et de son amour pour les promenades solitaires dans la nature. Son œuvre souligne la beauté du végétal le plus modeste, herbe ou cupule. Elle permet de réfléchir à ce qui est vraiment périssable ou pérenne. Sophie Blanc a exposé en 2023, lors de la Saison d’art du domaine de Chaumont-sur-Loire, une sorte d’herbier géant sous vitrine, paré d’or. Une installation baptisée Souvenir d’enfance.
Sophie Blanc, Une lumière dans l’enfance, disamares d’érable plane dorés pour partie à la feuille d’or, 2024 © Sophie Blanc
12. Mériguet-Carrère, la success-story du bel ouvrage
En 1962, le peintre en décor Paul Mériguet crée à Paris l’Atelier Mériguet-Carrère. Sa maestria en matière de peinture en trompe-l’œil, dorures et cuirs gaufrés, techniques héritées des artisans des XVIIe et XVIIIe siècles, lui valent de participer, avec son équipe, à de prestigieux chantiers de restauration patrimoniale, entre autres au château de Versailles et à l’Opéra Garnier. Au tournant du XXIe siècle, Paul Mériguet transmet son entreprise et ses équipes d’artisans chevronnés à Antoine Courtois, ingénieur des Arts et Métiers et architecte DPLG. L’entreprise poursuit ses chantiers patrimoniaux, tout en faisant évoluer ses techniques de décor et en devenant un laboratoire d’innovation au service des chantiers privés les plus ambitieux du monde.