Depuis 2019, le musée Marmottan Monet invite des artistes contemporains à engager une conversation avec ses collections. Dans le cadre de ces « Dialogues inattendus », Françoise Pétrovitch s’est penchée sur une œuvre de Berthe Morisot.
Le dialogue a beau être, par définition, inattendu, sa pertinence était prévisible. Au tableau Rose trémière (1884) de Berthe Morisot répond, dans les salles impressionnistes du Marmottan Monet, une série de tournesols géants proposée par Françoise Pétrovitch. Lavis de couleur sur fonds blancs. Pas question pour l’artiste de choisir, comme la plupart de ses prédécesseurs, une œuvre de Claude Monet, à qui elle rend toutefois hommage à travers le titre de son accrochage : « Soleils » est le clin d’œil – que l’on n’attendait plus – à Impression, soleil levant (1872), situé à proximité.
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Le choix de Françoise Pétrovitch ne surprend pas complètement, quand on connaît son intérêt pour la nature. Son œuvre, peuplé d’animaux, de figures humaines et de fleurs, comprend Herbiers (1994), série où cohabitent dessins et plantes séchées. « Les tournesols étaient déjà dans mon vocabulaire mais ce projet m’a permis de déployer et de présenter, pour la première fois, des variations autour de cette fleur que je trouve très graphique », explique l’artiste qui s’est plongée avec délectation dans la correspondance de Morisot et la biographie de l’académicienne Dominique Bona, afin de trouver, non tant le mot que le motif juste, pour ce dialogue inattendu.
Seulement, la nature, telle que la perçoit Pétrovitch, est vivante. L’artiste s’est immergée dans un champ d’héliotropes, avant d’en peindre une dizaine, sur des feuilles séparées, à plat. Une expérience, fructueuse, qu’elle compare à un bain de foule. Individualisés, à taille humaine, ses modèles apparaissent plus ou moins vigoureux, fanés, brûlés par l’astre qu’ils regardent. « Celui à l’extrême droite ressemble à un guitariste fou». Le pendant rock de Julie Manet(la fille de Berthe, ndlr) jouant du violon (1893) ? Pétrovitch rappelle que ses « portraits de fleurs » – qualificatif qu’elle accepte volontiers – se doublent d’une vanité. Sans respecter un ordre d’éclosion ou de décomposition, l’accrochage évoque, en effet, le passage du temps.
De Morisot, la reine du non finito, Pétrovitch salue la rapidité du trait et le sens du cadrage, pour ne pas dire décadrage : « Son geste est relâché. Il s’agit pourtant d’une peinture et non d’un croquis.» À cet entre-deux pictural répond un entre-deux spatial. Moitié de chaise, moitié de table et fragment de barrière en vue ! En décentrant ou tronquant ses compositions, l’impressionniste cherchait à créer une forme d’intimité. Cet effet n’a pas échappé à la guest star de Marmottan, également rompue à l’exercice du « hors-champ ».
Et pour cause ! À côté du cartel liminaire se trouve un dessin où Françoise Pétrovitch s’est représentée croquant un tournesol sur une assise que l’on devine à peine. « C’est peut-être mon seul autoportrait. La chaise est une demi-chaise», commente l’artiste. « J’ai retrouvé cette huile – l’auréole est encore bien visible – totalement par hasard en préparant l’exposition. » La coïncidence est d’autant plus heureuse qu’elle renforce le caractère inattendu du dialogue avec Berthe Morisot. Superbe mise en abyme dont l’absence de cadrage et le motif renvoient respectivement à Rose trémière et à la série « Soleils » en tant que telle. Quoi de mieux pour boucler la boucle ?
« Morisot/Petrovitch. Soleil »
musée Marmottan Monet, 2, rue Louis-Boilly, 75016 Paris
du 9 avril au 14 septembre
magazine
Berthe Morisot et l’art du XVIIIe siècle
Le musée Marmottan Monet met en regard l’œuvre de Berthe Morisot (1841-1895), impressionniste de la première heure, avec son goût pour les artistes du XVIIIe siècle. Ce hors-série s’intéresse à l’influence de Fragonard, Boucher ou Watteau sur l’œuvre picturale de l’artiste, dont témoignent sa palette claire, sa touche légère et ses compositions vaporeuses.